Modérateur Corrivolpi Posté(e) : 12 janvier 2019 Modérateur Posté(e) : 12 janvier 2019 Le paon, l’autruche, et les poulets : Il y avait une fois en royaume de France Évoluant aux côtés de ses contemporains Un banquier jouvenceau oui mais plein d'élégance Qui de son beau pays se rêvait souverain Son air benjamin, informel, bien élevé Plaisait aux citoyens, par la vieillesse lassés Sa rhétorique désuète et puis tantôt farceuse Ravissait fort les nobles, et flattait bien la gueuse Et si jeune notre homme ne l'était qu'à moitié, Il faut savoir qu'usée, certes, était sa moitié Car se voulant moderne ne prenant point maîtresse Il épousa la sienne malgré sa vieillesse Mais même si la valeur n'attend point les années Et bien qu' le jeune banquier ait la gouaille bien aisée On ne s'improvise point chef d'un grand État Et bientôt cet enfant, cet angelot remarqua Que d'un noble ignorant c'est la robe qu'on salue On n' l'admira bientôt que d'un étron pas plus Après l'avoir léché ils le lâchent puis le lynchent Comme font les hommes souvent gâtés comme des enfants Jupiter bientôt n'eût pas plus à leurs yeux que l'aspect fatigué d'une simple corde à nœuds Mais le jeune banquier, sûr de lui, plein de frime Pour continuer de plaire à ses chers richissimes Pressa la populace tant et tant comme citrons Qu'elle en prit la couleur aussi celle des mignons Le jeune freluquet tout à ses réjouissances Ne remarqua même pas la moindre différence Heureux dans son palais, il est loin du tracas Sa mégère dépensant son or à tour de bras Rien n'est pour elle trop beau : vaisselle, tissus, bibelots Le peuple avait bien faim, elle leur tournait le dos Ils s'offrirent mieux encore, les rois des animaux Des daims, ils les appellent ho seigneur qu'ils sont beaux Et pendant que le peuple assemblé dans les rues vers son précieux palais plein de rage se rue Notre jeune banquier à l'égo invincible Qui de la bourse des pauvres s'était fait une cible Refuse encore d'entendre le grondement sonore Comme celui d'une rivière quand de son lit elle sort Aucun barrage n'y fait si elle est bien dehors Et les poussins alors se mettent à crier Empêchant les puissants dans leur couche de ronfler Mon roi faites les taire, par pitié muselez-les Ils meurent de faim, ils crient, et nos nuits sont gâchées Ho sir ! regardez les, leur piètre éducation Ne leur sert même pas à crever sans un son Mourrez chichement, dites et mettez la sourdine Leur râle lorsqu'ils trépassent est une porte qui couine Ils sont las, ils se tordent, comme ils sont ridicules Ces illettrés ignobles dans la boue gesticulent Mes amis n'ayez crainte leur répond le rusé il leur arrive parfois un peu fort d'aboyer Mais ils sont mes moutons, mes agneaux mon troupeau Ils finiront d'eux mêmes par rentrer bien au chaud Mais voici maintenant qu'il retournent les carrosses Et détruisent nos maisons, deviendraient-ils féroces ? Alors le grand seigneur dans une allocution Le dos droit bien tendu comme une institution Les deux mains pleines de doigts bien à plat sur la table Leur jeta quelques miettes avec un air aimable Croyant en faisant taire leur petit estomac Calmer aussi la rage dans leur cœur scélérat Je ne vous ai pas compris, je ne vous écoutais point Récita-t-il au peuple qui serrait les poings A renard endormi rien ne tombe dans la gueule Retournez au labeur je vous trouve bien veules Ha vous aimez la rose ? Supportez en l'épine Mais ne troublez donc point la quiétude citadine Dans notre ordre social chacun reste à sa place Vous voulez en changer ? Je vous ris à la face Cassez, cassez, cassez et nous reconstruirons Et je vous répondrai d' la bouche de mes canons Vous voulez un discours ? Je peux en écrire cent Je peux même faire en sorte que vous m'aimiez quand j' ments Je vous endormirai à grand coup d'entourloupes Car c'est toute une armée que je garde sous ma coupe Vous vous fatiguerez et rentrerez aux champs Bien avant que je tremble pauvres petites gens Il est vrai que le paon peut oser faire l'autruche Se pavaner gaîment tout en gâtant sa cruche Mais si un jour lassée comme le peuple citron Son armée de poulets abandonne le patron Alors le jeune souverain saura, bien entendu, qu'même sur un trône en or, on est bien qu'sur son cul L'injustice est une graine que plantent les puissants Et qui pousse sans peine dans les yeux d' leurs enfants Elle leur apprend la haine et à serrer les dents Elle leur fournit le bois, le manche et même la lame Elle fait durcir leurs muscles et dévore leurs âmes S'ils perdent des batailles Ils reviennent à la charge On les traite en racaille On s'étonne qu'ils enragent ? Donnez leur le bâton Ils relèvent le menton Opposez leur des chars Ils reviennent plus tard Ils se tairont dix ans, vingt ans, trente ans, peut être Mais toujours la révolte finit par renaître Regardez en arrière dans notre propre histoire Car c'est là que se cachent les leçons et l'espoir. 3 1 2
Fox Posté(e) : 12 janvier 2019 Posté(e) : 12 janvier 2019 un peut long à lire et regarder mais c'est génial
Psytraplegique Posté(e) : 12 janvier 2019 Posté(e) : 12 janvier 2019 Très bien fait cette fable, de la dérision, des petites piques bien placés, tout ce que j'aime
Référent Mécanique Pierre Grosjean Posté(e) : 12 janvier 2019 Référent Mécanique Posté(e) : 12 janvier 2019 Merci
GB33 Posté(e) : 12 janvier 2019 Posté(e) : 12 janvier 2019 Je ne connaissais pas cette fable d'Elodie Poux, en tout cas, elle passe souvent sur "Laugh&Songs" et son humour est très corrosif à l'instar d'une Laura Laune... Bravo les filles ! 👌
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