Lu dans le monde :
lorsque les remboursements sont élevés, les assureurs sont de plus en plus réticents à indemniser vols ou accidents de voiture. Certains font traîner et vont jusqu'à accuser leurs clients de fraude, au risque de se voir eux-mêmes condamnés.
Alors qu'il roulait à faible allure dans une file ralentie en raison d'un accident, la Mercedes de Michel a été emboutie par un gros Range Rover. "Le 4 × 4 n'avait subi aucun dommage, alors que l'aile arrière droite de ma voiture était complètement enfoncée", raconte-t-il. Après avoir reçu le constat amiable, son assureur désigne un expert, qui examine le véhicule et donne son accord sur le montant des réparations : 5 600 euros.
un exemple : Michel commet alors deux imprudences. Pressé de récupérer sa voiture, il s'adresse à un garage qui travaille rapidement mais n'est pas agréé par sa compagnie d'assurances. Il accepte aussi d'avancer les frais de réparation.
A la réception de la facture, l'assureur mandate un nouvel expert. Ce dernier, sans examiner la voiture, estime que, "vu l'absence de dégâts sur le 4 × 4, les hauteurs de choc ne pouvaient pas correspondre". Après avoir affirmé qu'il n'y a "aucune trace de réparation sur la Mercedes", il indique que "le chiffrage, les temps de réparation et la méthodologie ne sont pas en relation avec les dégâts constatés sur le véhicule". L'assureur refuse donc de rembourser.
Devant les protestations de Michel, qui produit les témoignages de ses deux passagers, affirmant que la voiture était intacte avant le choc, la compagnie d'assurances lui envoie une lettre signée du responsable antifraude, confirmant le refus. Une semaine plus tard, l'assureur met fin à son contrat. Traumatisé et outré, Michel attaque la compagnie en justice. "Nous soupçonnons une fraude d'opportunité. L'automobiliste profite du choc pour faire réparer un dégât antérieur", estime l'assureur, qui, toutefois, ne peut apporter la preuve de ce qu'il avance.
De telles pratiques ne sont pas isolées, plusieurs jugements en témoignent. Dans un cas similaire, la même compagnie avait demandé à son assuré d'avancer les frais de réparation (5 006 euros). Puis elle a refusé de le rembourser, sous prétexte qu'il réclamait aussi la prise en charge des frais d'immobilisation du véhicule (243 euros). L'assureur a été condamné à payer les 5 006 euros et 3 300 euros au titre de préjudice de jouissance (tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois, 4 août 2006).
Dans le cas d'une voiture volée et retrouvée le jour même en grande partie dépouillée, l'assureur, "intrigué par le peu de temps écoulé entre le vol du véhicule et la découverte de celui-ci", exigeait plusieurs preuves, au-delà des obligations fixées par le contrat. Pour l'assureur, il ne suffisait pas que les contacts électriques et le système antivol aient été détériorés, il fallait de surcroît que la colonne de direction ait été endommagée. Il a été condamné à verser à l'assuré 10 200 euros pour le véhicule et 4 500 euros pour le préjudice de jouissance (tribunal de grande instance de Bobigny, 11 janvier 2007).
Dans une autre affaire de vol, l'assureur, soupçonnant une acquisition frauduleuse, a eu recours à un enquêteur, qui a conclu que "le véhicule n'avait jamais été vu dans l'impasse des parents de son propriétaire". Ce dernier ayant produit le certificat d'immatriculation de la préfecture, l'assureur a été condamné à 33 700 euros pour le remplacement de la voiture et à 4 500 euros pour le préjudice (TGI de Bobigny, 17 octobre 2006).
En fonction des tables de risques des assurances, tout dossier suspect est transmis à un responsable antifraude. "Confrontés à l'inflation des escroqueries, notamment les fausses déclarations de vol de voiture avec violence, les assureurs sont obligés de réagir dans l'intérêt même des assurés honnêtes", plaide l'Agence de lutte contre la fraude à l'assurance (ALFA). Cet organisme professionnel dispose d'un fichier répertoriant les fraudes avérées et d'un réseau d'enquêteurs certifiés. En 2005, près de 2 800 enquêtes ont été réalisées pour l'automobile.
Au cabinet d'avocats Bourjiac, spécialisé dans les litiges automobiles, on dénonce la tendance des compagnies à accuser systématiquement les assurés de fraude. "Beaucoup n'ont pas les moyens de se défendre, observe-t-on au cabinet. Après avoir envoyé deux ou trois lettres, ils abandonnent." Ce n'est pas le cas de Michel, d'autant plus choqué qu'il est... fils de gendarme