Ralentir sur l'autoroute pour économiser le carburant, une idée controversée
PARIS (AFP) - La réflexion du gouvernement sur une réduction de 130 à 115 km/h de la vitesse sur autoroute relance l'idée de jouer sur les limitations de vitesse pour économiser l'énergie, mais suscite déjà des critiques des politiques et des automobilistes.
"Si l'on abaisse la limitation de vitesse sur autoroutes de 130 km/h à 115 km/h, cela représente environ 20% d'économies de carburant, soit deux millions de tonnes de pétrole par an", a indiqué lundi l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Le ministre des Transports Dominique Perben a ainsi fait valoir dimanche que "si l'on réduit la vitesse de 15 km/h (sur autoroute), le prix du plein reste(rait) le même qu'avant la hausse" des prix du pétrole.
Si un automobiliste roule 10.000 km par an en réduisant sa vitesse de 15 km/h sur les autoroutes, cela compense à peu près les 150 euros de dépenses supplémentaires liés à la hausse des tarifs du carburant, selon les calculs du gouvernement.
La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) et la Réseau Action Climat France ont donc salué cette idée lundi dans un communiqué commun. "Réduire la vitesse maximale autorisée sur les autoroutes en France, pays européen où les limitations sont les plus élevées, c'est bon pour le budget des ménages, pour l'environnement et pour la sécurité routière", a déclaré à l'AFP Jean Sivardière, président de la Fnaut.
"Face à la hausse inéluctable des prix du pétrole, cela responsabiliserait aussi les consommateurs, alors que baisser les taxes coûterait assez cher à l'Etat et ne serait pas très pédagogique", a-t-il noté, en référence aux suggestions du PS ou de certaines associations de consommateurs.
Malgré le nouveau record du baril de brut, qui a dépassé les 70 dollars lundi, une réduction de la vitesse à 115 km/h ne fait pas l'unanimité, comme l'a montré lundi un tir de barrage nourri de la majorité.
"Il faut se méfier des fausses bonnes solutions, des fausses bonnes idées", a jugé Luc Chatel, porte-parole de l'UMP, lors de la conférence de presse hebdomadaire du parti. "C'est bien d'encourager les Français à faire des économies, à rouler moins vite, à consommer moins de fuel", mais "je ne suis pas sûr que les mesures coercitives soient les réponses les plus appropriées", a-t-il ajouté.
"Après la TIPP flottante, voilà la vitesse flottante", a ironisé la vice-présidente de l'UDF Marielle de Sarnez, lors de l'université d'été du parti à Giens (Var), demandant : "Si le prix du baril double, va-t-on limiter la vitesse à 60 km/h sur les autoroutes ?"
Du côté des automobilistes, la réserve est aussi de mise. "Si cela reste un conseil d'ami, nous ne sommes pas contre. Mais il faut vraiment réfléchir avant de l'imposer parce que le jeu n'en vaut pas la chandelle", a estimé Christian Gerondeau, président de la Fédération française des Automobile-Clubs (FFCA, quelque 500.000 adhérents).
"Cette mesure serait surtout symbolique, avec de faibles gains de consommation, et accroîtrait la morosité ambiante", selon le président de la FFAC. "Les limitations actuelles, en ville, sur routes et sur autoroutes, sont bien admises et bien adaptés", a-t-il précisé.
La France a déjà reculé plusieurs fois devant une réduction de la vitesse maximale. Envisagée lors de l'élaboration du Plan Climat, présenté en 2004, la limitation à 120 km/h avait été écartée pour cause d'impopularité. Un projet de réduction à 110 km/h envisagé en 1990 par Michel Rocard, alors Premier ministre, avait aussi tourné court.