La Squaw Clermontoise,
J'imagine que que je ne suis pas le seul à suivre l'actualité, et que toi aussi, qui me lis sur l'instant, il t'arrive d'écouter la radio, lire un journal, ou allumer de temps en temps ta télévision pour te rincer un brin l'esprit.
Accessoirement, il doit aussi t'arriver de tomber sur un flash d'info, le petit instant où l'on sature ta mémoire de petits messages plus désopilants les uns que les autres, faisant instantanément passer ton moral au dessous des nuages, des fois que ce dernier soit enclin aux envolées lyriques : reviens sur terre camarade, le bonheur n'est pas pour tout de suite, il te faut d'abord consommer et produire, sans quoi ton existence est aussi vaine qu'une goutte de pluie glacée dans un océan de larmes.
Or donc, ce fameux sept Janvier, tu as du toi aussi demeurer interdit devant ton écran, bouche bée, devant un tel déchaînement de violence. Ces mitraillages froids de pleutres encagoulés semant la mort par chargeurs de trente, ces détonations en cascade dont l'écho froid sur les façades des immeubles glace encore l'oreille autant que le sang. Ces autres que l'on parque,piégés dans un supermarché, pour une étoile qu'ils ne portent plus et que l'on tue sans l'ombre d'une pensée. Ce « polémiste »qui ne sait choisir son camp à force de clientélisme, ces jeunes et moins jeunes qui refusent de respecter une demi-minute de silence, le cerveau déjà rincé par des ayatollahs déistes ou des complotistes laïcards.
Mais le pays se fédère soudain comme jamais depuis 1945, les médias jouent leur rôle, la France fait front, unie, contre la pensée monolithique, contre l'intolérance, revendiquant ce qu' elle porte en elle de plus sacré, de plus fort.Cette somme de droits durement acquis, la reconnaissance de ses devoirs, un « plus jamais çà », quelques « no passaran », les Charlie fleurissent comme des pâquerettes printanières et l'on se dit que c'est gagné, que Loft Story ne nous a pas tués. Que l'on a pensé à bien vider la Boite de Pandore et que cette fois on n'en a pas oublié l'Espoir. Ouf, sauvés!
Et puis, à peine quelques jours plus tard, apparaît au grand jour une fresque colorée, une photo dans une salle de garde d'un hôpital clermontois. Certes, rien deMagdalénien, un petit 15 ans d'age. Dans le plus bel esprit Sex-pop-art, pure mouvance typiquement issue de la tradition carabine, Wonder Woman se faisant copieusement défourailler par nombre de super héros engagés dans un gang-bang galactique. Les phallus tendus vers l’héroïne qui se saisit même d'un pénis gigantesque à pleine main, complaisamment sans le repousser. Digne d'un you porn un soir de solitude, une image du siècle, un fantasme social, un délire pictural, un message. Bref, une caricature. Une image, une de plus. Juste une image. Quand on a vu presque 4 millions de français dans la rue pour des caricatures sages, on se dit qu'une œuvre murale certes tendancieuse mais confinée dans les accès des internes aura tout lieu de passer à la postérité.
Ben non, elle sera effacée dans la journée, si ce n'est déjà fait à l'heure ou j'écris ces quelques lignes. A la demande d’associations, à la demande de la secrétaire d’état chargée de la famille, à la demande de la ministre des affaires sociales, de la famille et de la santé. Parceque on ne peut pas rire de tout, faut pas déconner. Les féministes parlent de viol collectif portant atteinte aux droits de la femme defaçon évidente, les politiques de détournement syndical, les religieux y voient des bites, les daltoniens se plaignent que les couleurs piquent les yeux et la presse s'en branle. Charlie aussid'ailleurs...